AGEFIPH : Étude : La situation des personnes handicapées pendant la crise du coronavirus

Dès le début de la crise de la Covid-19, l’Agefiph s’est associée à l’Ifop pour réaliser une grande enquête portant sur le vécu professionnel des personnes en situation de handicap. Cette enquête vise à mieux appréhender la manière dont cette crise affecte la vie professionnelle des personnes en situation de handicap, pour permettre à l’Agefiph de continuer d'améliorer son accompagnement, ses services et ses aides, afin qu'avec les acteurs de l'emploi, de la formation, de la santé au travail et du handicap puissent soutenir la construction d’une société inclusive.

Après les deux premières éditions de cette consultation, en mai et juillet derniers, elle a présenté ce 23 septembre les résultats de sa troisième enquête, à l’occasion d’un webinaire, en présence de Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph, et Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps.

L’objectif de cette troisième phase était notamment de faire le point sur les ressentis des personnes en situation de handicap en cette période de rentrée, marquée par l'incertitude, tant sur le plan sanitaire qu'économique et social.

3 000 personnes en situation de handicap ont répondu à cette enquête.

Etat psychologique général

L’état de santé apparaît dégradé pour tous les publics handicapés, de façon accentuée par rapport à la vague précédente.

C’est avant tout sur le plan des risques psychosociaux que les indicateurs sont préoccupants : 69% des personnes interrogées sont sujettes au stress (contre 41% pour le tout public), et 54% ont des épisodes de dépression (contre 11% pour le tout public). Ces chiffres sont accentués pour les femmes, les publics en région parisienne et les personnes en recherche d'emploi. D’autre part, 53% des bénéficiaires de l'obligation d'emploi se sentent actuellement fatigués (contre 29% pour le tout public).

33% affirment que cet état est beaucoup plus fréquent qu’auparavant : une dégradation de leur état de santé physique et mentale est donc avérée, et ce depuis le début de la crise liée à la Covid-19.

Cette préoccupation s’accentue pour les personnes souffrant d’un handicap mental. Il en résulte une différence de stress en fonction du type de handicap. Par ailleurs, 44% des personnes interrogées affirment avoir peur d’être contaminées par le coronavirus. Les écarts s’avèrent là aussi importants en fonction du handicap, qu’il s’agisse d’une maladie invalidante, d’un multi-handicap ou de polyhandicap.

Indicateurs d’inquiétudes

Une baisse de l’inquiétude avait été exprimée entre la vague 1 et la vague 2, sur les dimensions sanitaire et économique.

Aujourd’hui, le niveau d’inquiétude repart à la hausse notamment concernant la dégradation des conditions de travail et sur les questions de santé. A titre d’exemples, 60% des bénéficiaires de l'obligation d'emploi sont inquiets concernant les conditions de travail, la Covid ou l'isolement croissant.

Concernant les points de « focale » des inquiétudes, ils se répartissent équitablement entre inquiétude économique et inquiétude sanitaire, les deux ne s’excluant pas.

La différence apparait en fonction des profils : l’inquiétude économique est plus marquée chez les demandeurs d’emploi et chefs d’entreprise (64% et 73%). 71% des demandeurs d’emploi sont pessimistes pour trouver un emploi dans les 3 mois, une proportion en hausse par rapport à la dernière édition. Les difficultés financières cristallisent souvent les inquiétudes, puisqu’elles sont présentes pour 70% des personnes interrogées (et il s’agit de « très fortes difficultés » pour 26% d’entre elles), contre 53% du tout public. Ce pourcentage est plus élevé pour les salariés en TPE, et moins élevé pour le handicap auditif (53%).

Impact de la crise sur le travail

La proportion de personnes à reprendre le travail progresse par rapport à la deuxième vague et la proportion de télétravail décroit désormais significativement pour les personnes en activité professionnelle, comme pour le tout public. D’après la consultation, 11% des bénéficiaires de l'obligation d'emploi sont en télétravail (35% en mai), contre 18% des personnes en entreprise de plus de 50 salariés et 27% en région parisienne.

Globalement, l’impact du télétravail est jugé un peu plus positivement que négativement (à titre d’exemple, 65% des bénéficiaires de l'obligation d'emploi se disent pour le développement du télétravail), même si des avis plus clairement favorables sont formulés par les femmes et les personnes en région parisienne. 45% des personnes en situation de handicap interrogées ont ressenti un sentiment d’isolement accru pendant la période de télétravail (contre 1/3 pour l’ensemble de la population). A noter : cette reprise du travail en présentiel s’accompagne d’une baisse de la motivation ressentie au travail. On note par ailleurs que le sentiment de fatigue se renforce par rapport à ce qui a pu être mesuré lors de la deuxième vague.

En termes de vulnérabilité, 31% des bénéficiaires de l'obligation d'emploi sont considérés comme vulnérables par les employeurs, qui ont pris des dispositions particulières dans plus des deux tiers des cas. En termes de perception de leur situation, 44% des bénéficiaires de l'obligation d'emploi se sentent vulnérables. Le sentiment de vulnérabilité est plus élevé quand les revenus sont faibles et quand la maladie est invalidante (62%), alors qu’il est moins fort concernant les personnes ayant un handicap auditif (35%). Par ailleurs, 30% de ces personnes considérées comme vulnérables ont dit avoir ressenti de la « confiance », 14% de « l’embarras », 4% de la « tristesse » et 3% de la « colère ». Le fait d’être considéré comme une personne vulnérable a donc été, pour davantage de personnes, vécue en confiance.

Sur le plan de Relance

Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi portent un jugement globalement positif sur les mesures gouvernementales.

L’octroi de la prime à l’embauche est apprécié : 78% déclarent que c’est une mesure indispensable, 74% que c’est une mesure juste.

Sur le port du masque

Sur ce sujet il n’existe pas de comparatif avec les éditions précédentes le port du masque n’étant pas généralisé. Les personnes en situation de handicap y sont favorables et ne doutent pas de sa nécessité (70% affirment qu’il s’agit d’une mesure efficace). 60% considèrent que c’est une mesure adaptée à leur handicap, mais 31% déclarent qu’il s’agit d’une atteinte aux libertés individuelles. Ces derniers chiffres sont proches de ceux observés auprès de l’ensemble de la population française globale.

En conclusion

Les ressentis des deux premières vagues persistent. Nous assistons donc à une confirmation des tendances précédemment observées pour les personnes en situation de handicap : un impact important sur les risques psychosociaux, une remontée des inquiétudes, une baisse sensible de la motivation au travail, notamment en raison d’une fatigue accrue (similaire à celle constatée pour la population générale), une prise en compte des situations de handicap par les employeurs limitée et plus substantielle dans les petites entreprises et un sentiment d’isolement.

Face à ces réalités, l’Agefiph est mobilisée pour accompagner les personnes en situation de handicap et faire évoluer le regard sur le handicap. C’est le sens de ces dispositifs mis en place ces dernières semaines :

"Cette étude et ces différents constats, qui se confirment dans le temps, soulignent encore un peu plus la nécessité d’une information et d’un engagement plus important des employeurs pour améliorer l'emploi des personnes handicapées. Les mesures incitatives qui ont été prises par le gouvernement, par l’Agefiph et par l’ensemble des partenaires en cette période de crise vont dans le sens de cette mobilisation. Il est important que les employeurs comprennent que l’intérêt d’embaucher une personne handicapée est avant tout l’apport au collectif, à la capacité d'innovation de l'entreprise. L'enjeu d'assurer le maintien dans l'emploi de toutes les personnes en situation de handicap en activité malgré l'environnement sanitaire et économique complexe actuel est aussi très important. La sensibilisation et l’accompagnement des employeurs sont dès lors indispensables. L’Agefiph, avec ses partenaires, les Cap emploi notamment, est pleinement engagée dans cette démarche, à travers une action forte de soutien à l’emploi et à la formation des personnes handicapées. L’Université du réseau des référents handicap, à venir début octobre, sera une nouvelle occasion de réfléchir et d’échanger sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour impliquer davantage les entreprises à nos côtés, à travers les référents handicap, dont le rôle est plus que jamais essentiel aujourd’hui." Didier Eyssartier, Directeur général de l'Agefiph.


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